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L’éco-blanchiment ou greenwashing est un délit.

Droit et durabilité Episode 2 POWNESS OTI

Droit et durabilité - Épisode 2 — L’éco-blanchiment ou greenwashing est un délit.

Analyse juridique 2025 des risques liés aux allégations environnementales et au greenwashing.

En droit français, le greenwashing peut en effet relever :

  • des pratiques commerciales trompeuses (articles L121-2 et suivants du Code de la consommation), qui sont pénalement sanctionnées ;
  • des sanctions administratives (DGCCRF) ;
  • et, dans certains cas, de délits pénaux (2 ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende, pouvant être portés à 80 % des dépenses publicitaires).

Depuis plusieurs années, la communication environnementale prend une place croissante dans les messages des entreprises. En parallèle, les autorités de contrôle et les juridictions examinent désormais ces allégations comme des éléments pouvant engager juridiquement la responsabilité de l’entreprise.

Face à l'ampleur des manquements constatés (plus de 15 % des 3 000 entreprises contrôlées en 2023-2024 présentaient des pratiques d'éco-blanchiment caractérisées), la DGCCRF a annoncé le renforcement significatif de ses contrôles pour les années à venir, une action qui s'est déjà traduite par l'émission de plus de 430 injonctions et l'engagement de 70 sanctions administratives ou pénales.

Ces constats montrent que la communication environnementale n’est plus un sujet strictement marketing. Elle relève aujourd’hui d’un cadre juridique précis, mobilisé par les autorités et les tribunaux.

1. Un cadre juridique qui se consolide

L’encadrement des allégations environnementales repose aujourd’hui sur un corpus juridique national et européen en évolution, auquel s’ajoutent des dispositifs de contrôle renforcés.

3.1. Le Code de la consommation : le socle juridique

Les articles L121-1 et suivants du Code de la consommation définissent la pratique commerciale trompeuse, notamment lorsque l’entreprise fournit une information :

  • fausse,
  • imprécise,
  • non vérifiable,
  • ou susceptible d’induire en erreur sur les caractéristiques essentielles d’un produit ou d’un service.

Depuis la loi Climat et Résilience (2021), les caractéristiques environnementales figurent explicitement parmi ces caractéristiques essentielles. Une allégation environnementale trompeuse peut engager la responsabilité administrative, civile et pénale de l’entreprise.


1.1. Exigence de cohérence

Les juges examinent la cohérence entre engagements, plans, trajectoires et impacts avérés ou anticipés, par exemple :

  • cohérence entre trajectoire bas-carbone annoncée et émissions réelles,
  • adéquation entre besoins en ressources et disponibilité constatée.

1.2 Des restrictions spécifiques depuis 2023

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2023, certaines allégations sont strictement encadrées :

  • Les mentions telles que « neutre en carbone », ou équivalents, ne peuvent être utilisées sans démonstration complète du bilan des émissions et des actions de réduction associées.
  • Les termes absolus ou génériques — « écologique », « vert », « respectueux de l’environnement » — sont considérés à risque en l’absence de preuves accessibles et proportionnées.

Ces dispositions complètent la directive européenne relative aux pratiques commerciales déloyales et préfigurent l’évolution du droit vers un contrôle renforcé des communications environnementales.

1.3 Coopération renforcée DGCCRF – ADEME (2025)

Le 25 septembre 2025, la DGCCRF et l’ADEME ont signé un protocole de coopération visant à renforcer le contrôle des allégations environnementales.

Objectifs du protocole :

  • Expertise technique (ADEME) : écoconception, affichage environnemental, économie circulaire, performance énergétique.
  • Pouvoirs d’enquête et de sanction (DGCCRF) : pratiques commerciales trompeuses, fraudes et non-conformités.

Conséquences opérationnelles :

Cette collaboration permet désormais de cibler plus précisément les contrôles portant sur :

  • l’affichage environnemental (notamment dans le textile),
  • les allégations environnementales dans les communications commerciales,
  • les fraudes liées à la rénovation énergétique (ex. MaPrimeRénov’),
  • la standardisation des référentiels et indices environnementaux (durabilité, réparabilité).

Ce protocole marque un passage d’une expertise principalement factuelle à une surveillance renforcée et sanctionnable de la loyauté des informations environnementales.

1.4 La Directive (UE) 2024/825 : un renforcement majeur du cadre européen

La Directive (UE) 2024/825, adoptée le 28 février 2024, modifie les directives 2005/29/CE (pratiques commerciales déloyales) et 2011/83/UE (droits des consommateurs).
Elle doit être transposée avant le 27 mars 2026 pour une application au 27 septembre 2026.

Dispositions clés :

La directive interdit per se certaines pratiques, sans nécessité de démontrer une altération du comportement du consommateur :

  • Allégations environnementales génériques sans preuves facilement accessibles (« vert », « naturel », « bon pour le climat »).
  • Labels de durabilité non certifiés ou non vérifiés par un organisme indépendant.
  • Allégations de neutralité carbone fondées uniquement sur la compensation, sans démonstration des efforts réels de réduction.

Impact élargi :

La directive introduit également des normes concernant :

  • l’obsolescence programmée,
  • l’information sur la durabilité des produits,
  • l’étiquetage harmonisé des garanties commerciales supérieures à deux ans.

Elle renforce ainsi l’arsenal juridique applicable au greenwashing et impose que toute affirmation environnementale soit étayée par des preuves scientifiques, transparentes et vérifiables.

1.5 Des recommandations opérationnelles : ADEME, CNC, ARPP

Le Guide anti-greenwashing de l’ADEME (2025) et les recommandations du CNC et de l’ARPP précisent les exigences de :

  • vérifiabilité,
  • transparence,
  • contextualisation,
  • disponibilité des preuves.

Ces documents servent de référentiels opérationnels mobilisables par les autorités de contrôle pour apprécier la conformité des allégations environnementales.

2. Une jurisprudence en évolution

Plusieurs décisions récentes illustrent l’application concrète de ce cadre.

2.1 La condamnation de TotalEnergies (Tribunal judiciaire de Paris, 23 octobre 2025)

Le tribunal a jugé que certaines affirmations climatiques du groupe — notamment des engagements de neutralité carbone — étaient susceptibles d’induire en erreur au regard des activités réelles.
La décision a conduit à :

  • la suppression des allégations concernées,
  • la publication du jugement,
  • l’indemnisation des associations requérantes.

Cette décision constitue un précédent majeur en matière de greenwashing climatique.

2.2 Les allégations environnementales génériques examinées par le juge

Dans plusieurs décisions analysées par Bird & Bird, des entreprises ont été sanctionnées pour l’usage d’expressions telles que :

  • « produit écologique »,
  • « durable »,
  • « respectueux de l’environnement ».

Le juge a retenu que l’absence de méthode de démonstration ou de périmètre précis suffisait à caractériser une pratique trompeuse.

2.3 Un contrôle renforcé par les autorités administratives

Les contrôles DGCCRF montrent que le risque concerne autant :

  • les produits de grande consommation,
  • les services,
  • la publicité,
  • la communication institutionnelle.

Les sanctions peuvent inclure amendes, retraits de communication, publications obligatoires et, dans certains cas, procédures pénales.

2.4 La désinformation climatique : de l’opinion à la responsabilité

La question climatique n’est plus analysée uniquement comme un débat d’opinion. Les autorités de régulation considèrent désormais que la diffusion d’informations contraires à l’état des connaissances scientifiques reconnues peut engager une responsabilité.

L’affaire confirmée par le Conseil d’État le 6 novembre 2025 en est une illustration significative : la sanction prononcée par l’Arcom à l’encontre d’un éditeur audiovisuel pour absence de contradiction face à des propos climatosceptiques a été jugée conforme.
Cette décision ne relève pas du champ pénal, mais elle marque un point d’inflexion : la rigueur de l’information environnementale devient un critère de conformité, au même titre que l’honnêteté ou la loyauté du traitement journalistique.

Ce glissement traduit la reconnaissance du caractère établi de nombreuses données scientifiques relatives au climat et à la biodiversité. Leur contestation sans mise en perspective ou sans information correcte peut désormais faire l’objet de sanctions administratives.

L’ensemble dessine un cadre où la communication environnementale — qu’elle soit commerciale, institutionnelle ou médiatique — se structure autour de la véracité, de la cohérence et de la vérifiabilité, valeurs communes aux exigences appliquées aux allégations environnementales.

3. Pourquoi ces décisions ne sont pas isolées

Les allégations environnementales reposent sur des impacts mesurables : émissions, consommation de ressources, cycles de vie, trajectoires d’atténuation ou d’adaptation.
Ces éléments constituent désormais des données mobilisées par les juridictions pour apprécier :

  • la véracité d’une communication,
  • la cohérence entre engagements et actions,
  • la fiabilité des informations transmises aux consommateurs ou aux investisseurs.

Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique plus large déjà observée dans l’Épisode 1 : l’intégration de la matérialité environnementale dans l’analyse juridique.

Les entreprises doivent donc pouvoir démontrer :

  • la base factuelle d’une allégation,
  • la méthode utilisée,
  • les limites de l’analyse,
  • la cohérence entre annonce et plan d’action.

Ces exigences deviennent opposables dès lors qu’elles fondent l’appréciation de la loyauté de la communication.

Cette évolution prolonge la dynamique observée dans l’Épisode 1 : l’intégration croissante des impacts environnementaux et sociaux dans l’analyse juridique.

4. Un signal clair pour les entreprises : la communication environnementale devient un enjeu de conformité

4.1 Un risque juridique croissant

Les risques identifiés incluent :

  • contentieux pour pratiques commerciales trompeuses,
  • sanctions administratives,
  • actions d’associations ou concurrents,
  • litiges réputationnels amplifiés par la publication des décisions.

4.2 Une exigence de cohérence

Les juridictions examinent non seulement l’allégation, mais :

  • le périmètre sur lequel elle repose,
  • la cohérence entre communication et activités,
  • l’existence d’un plan documenté.

4.3 Un enjeu de gouvernance

La communication environnementale ne relève plus uniquement des équipes marketing. Elle concerne :

  • la direction juridique,
  • les équipes RSE,
  • la conformité,
  • la gouvernance.

Elle devient une composante de la gestion des risques.

5. Le rôle des OTI dans ce nouveau cadre

Les organismes tiers indépendants apportent une réponse opérationnelle à ces évolutions.
Leur intervention permet de :

  • documenter les méthodes et les données utilisées pour formuler une allégation,
  • vérifier la cohérence entre engagements, déclarations et actions,
  • sécuriser la communication environnementale,
  • réduire le risque juridique lié aux pratiques trompeuses,
  • renforcer la confiance auprès des parties prenantes.

Dans un cadre où la communication environnementale devient opposable, la vérification indépendante constitue un levier de conformité et de transparence.

Conclusion — Vers une communication environnementale fondée sur la preuve

Les décisions administratives et judiciaires montrent que les allégations environnementales sont désormais examinées à partir d’éléments objectivés.
Le greenwashing n’est plus seulement identifié comme un biais de communication, mais comme un risque juridique quantifié et sanctionné.

Les entreprises doivent intégrer ces exigences dans leurs processus internes, structurer la documentation associée et vérifier la cohérence des messages diffusés.
La communication environnementale devient ainsi un enjeu de conformité, au même titre que le reporting ou la gestion des risques.

Dans ce contexte, les OTI ont un rôle essentiel : ils contribuent à renforcer la fiabilité des informations, à sécuriser les organisations face aux risques de greenwashing et à accompagner les gouvernances dans un cadre réglementaire et jurisprudentiel en évolution.

Pour en savoir plus, contactez-nous ! contact@powness.fr 

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